charpentier

Charpentier

Mon ami

Tu chantais

Si bien

La chanson

De l'établi

Et les psaumes

Du matin

Rivière

Dites pré

Une syllabe

Pour un monde 

Secret

Dites pré en pente douce

Par un tendre matin d'été

Dites berges

Dites

Berges

De la rivière

Imaginez

S'il vous plaît

Dites

Le pré glissait doucement

Vers la berge

De la rivière

Imaginez

L'ineffable

Beauté du monde

Banal

Dites roseaux

Ployant sous l'ondée

Dites

Les gouttes d'eau

Glissaient sur les feuilles

Etroites des roseaux

Dites

Né-nu-phars

Répétez les trois syllabes

Juste pour la musique

Dites

Je vous en prie

La grenouille

Paressait

Sur les nénuphars

Posés au fil de l'eau

Comme des assiettes

Dites

Li-bel-lu-les

J'aime les grandes libellules

Aux ailes de cristal

Patrouillant

Sous un soleil

Languissant

Dites

S'il vous plaît

Loutre

Rat musqué

Martin pêcheur

Dites

Le martin pêcheur

Surgit comme une flèche

Et se posa sur un roseau

Je vous ennuie

Mais vous comprendrez

Bientôt

Dites encore

Poule d'eau

Héron cendré

Vous vous souvenez

Du héron au long bec

Emmanché d'un long cou

Dites

le héron affamé

Cherchait une grenouille

Aux berges de la rivière

Dites aussi

Castors

Busards

Et colvert

Dites-moi

Que vous les aimez

Dites

Vairon

Dites truite

Dites la truite vagabonde

Filait au sein de l'onde

 

Réminiscences

Récitation

Poètes

Jours paisibles

Dites-moi

La rivière

Où coulait mon enfance

Dans les clairs

Matins

De juillet

 

LOUISE

Vois-tu 

Louise

Qui trottine

Dans son manteau

Noir

Elle étreint

Son missel

Au creux

De ses mains

De vieille fille

Elle court

La grâce 

Divine

Au jour

Du seigneur

Elle attend la communion

Puis elle mangera

Seule

Le bouillon de poule

Au coin de la table

Je voudrais expliquer

 

 

Je voudrais expliquer ce me hante

Au bord de la vieillesse

Je voudrais saisir ces ombres

Inconnues

Qui troublent ma mémoire

Je vois des marronniers

Qui apaisent mes peurs

Lorsque la nuit noire

Vient frôler mes fenêtres

J’entends des psaumes

Des enterrements

Des grégoriens

Des pluies sans fin

Des petits pas dans le grenier et des voix

Lassées

Qui récitent la journée de terre

Je sens des fumiers

Qui mûrissent contre le mur

Des vaches indolentes

Des laits épais

Je sens des êtres invisibles qui peuplent la nuit

Je suis prisonnier de bruits et d’odeurs

Je suis prisonnier du vent énigmatique

Le vent de la mer qui rôde autour

Des écoliers

Et qui gèle les doigts sous les ciels noirs

Je voudrais expliquer ce qui me hante

Ce que je cherche

Et que je n’aime peut-être pas.