Rocs de Hague

Rocs de Hague

Aux portes des îles

Précipices baveux

De grottes diaboliques

Ciels orangés de planètes lointaines

Moutons de bruyère

Aux pentes salées

De mouettes criardes

Vagues qui roulent à l'infini

Comme des tonneaux ivres

Bateaux de pirates aux quais de brume

Jaunes lumières de bistrots à matelot

Aux pieds de Goury

Colères de bruyères

Aux murets mauves

Maisons d'ogres tout en haut

Chemins de gouffres

De fougères et d'embuscades

Aux talons de rocaille

Pêcheurs au loin

Fouilleurs de trous

Mineurs de crustacés

Sur l'estran de bataille

Il y a là-bas un monde étrange

De lune et de Mars

D'herbes violettes et de dunes noires

Qui vous attend

 

Qui vous attend

Je connais

Je connais des mâts touffus

Qui tanguent dans une mer végétale

Peupliers graciles

Qui dansent sous les nuages

Et qui vous murmurent des secrets

En chantant doucement

L'air du feuillage

Je connais les couleurs

Qui ont des odeurs nostalgiques

De confiture et de bonheur

Je connais ce poids jamais apaisé

De l'enfance nue et de la peur

Sous les hallebardes

Je connais les rêves d'Ouest

Les cimetières marins et les mouettes

Les vieilles pierres

Qui vous murmurent

Leur immortalité

Mais à quoi bon?

 

Les chiens bleus 

De mes rêves de papier

Ont des crocs acérés

 

Dans mon garage

Dans mon petit garage de banlieue

Il y a un camion de pompiers avec son échelle

Des dizaines de voitures et un train à vapeur

Il y a des puzzles et des mécanos

Un gros voilier en plastique sur une étagère

Des chiffons de ménagère

Des casquettes d'enfant

Deux vieilles tentes

Des raquettes et des balles

Deux vélos au chômage, des patins à roulettes

Et une planche à voile

Dans mon petit garage de banlieue

Il y a des cahiers d'écolier, des grammaires

Des manuels d'histoire d'autrefois

Des Spirou, des Tintin et des Haddock

Des pompes à vélo et des dessins

Des godasses, des chaussettes, des tournevis et des marteaux

Des bouteilles de bordeaux

Des pinceaux et de vieux oripeaux

Il y a le Grand Meaulnes, des chercheurs d'or

Et des chiens de traineau

Il y a le pastis de Marseille au fond d'un vieux buffet

Il y a des canots, des trésors,

Des boutons de Longevernes et de Velrans

Et des murmures d'écoliers

Dans mon petit garage de banlieue

Il y a des jouets et des couleurs

Des photos de baptême en noir et blanc

Et des vies d'enfants

Qui sommeillent

Il y a mes cheveux blancs dans la pénombre

Qui observent le temps

Qui s'en est allé.

 

 

 

 

Extraits du recueil "Les temps sombres". Ed du Petit véhicule

Je cherche le secret du monde

En arpentant les chemins

Je cherche la lumière qui surgit du ciel et de la mer

Je cher l'ombre des hameaux

Les maisons ridées par les ans

Qui vous observent d'un œil borgne

Je cherche le secret de la vie

Je cherche qui est cet inconnu derrière don objectif

Je cherche le secret du monde

Avec persévérance

Dans la couleur étrange des horizons marins

Et dans les solitudes humaines

Je cherche ce que l'on voit sans le voir

Le lumière unique des choses

Le manteau de Dieu.

Refuge

En ce temps-là je m'étais réfugié

Près d'un monument de granit

Dressé comme une épée dans le spongieux automne

C'était un spectacle atroce

Que ces quarante invisibles entourés de drapeaux mouillés

Pauvres Poilus de vingt ans

Qui dorment

Dont il ne reste qu'un nom gravé

 

"Morts pour la France" psalmodient les enfants

D'une voix fraîche et macabre

Le village était noyé, brumeux, à demi-effacé

C'était comme un engloutissement

Un marais

Qui bouleversait mon âme

Meurtrie.

Au bois

Je marchais dans l'allée forestière

Au petit matin

Levé tôt, parti sur la pointe des pieds

Fuyant l'insomnie, espérant un miracle

Seul dans cette magnificence rousse

A l'écoute du bruissement et du furtif

J'étais au bois de mon père

J'étais aux abois

Et je me disais qu'il se trouvait peut-être là

Silencieux

Dans les buissons si beaux

Et qu'il allait peut-être surgir devant moi

Je me disais que le Bon Dieu

Lui avait peut-être donné une heure

Juste une heure

Une heure seulement

Pour me rassurer

 

Mais je n'ai entendu que le silence

Et ma détresse