Les hommes qui marchent

Dis-moi ce que tu veux

Mieux vaut que je parte au loin

Je prendrai le chien

Qui me comprend mieux que toi

J'irai par monts et par vaux

Avec un gros sac sur le dos

Le vieux chapeau de mon père sur la tête

Je partirai loin de toi

Sur mes deux jambes

Chaussé de gros souliers

Et je m'arrêterai à la nuit tombée

A l'orée des bois

Ou sous les arbres d'un verger

Je planterai ma tente

Heureux d'être seul

Le corps las dans le duvet

Je contemplerai les étoiles

En buvant une bière fraîche

Et je serai heureux de ma solitude

Heureux de n'être plus rien

De ne plus voir des murs

Au matin je repartirai à la rosée

En regardant les moutons blancs

Dans les champs teintés de vert et de noir

Je sentirai la route dure

Sous mes chaussures

Et la promesse de découvertes immenses

Je fixerai l'horizon

Sans autre joie que celle de marcher

De marcher toujours

Avec mon chien

En contemplant maisons et villages

De la France éternelle

 

Les hommes qui pleurent

Les hommes qui pleurent

Ont la crue au bord des yeux

On les voit soudain qui s'effondrent

Au hasard d'un mot

D'un souvenir effleuré

D'une réminiscence

Et l'on voit leurs yeux qui se noient

Dans des larmes amères

Les hommes qui pleurent

Ont des chagrins anciens

Des plaies cachées

Ils ont des mères acariâtres

Ou des enfants tués

Et parfois ils sont minés par une douleur inconnue

Qui les ronge depuis l'enfance

Les hommes qui pleurent sont trop lucides

Ils ont mal au monde

Ils ont mal aux autres

Ils hurlent aux passants

De les délivrer de la nuit

Mais les passants ne veulent pas voir ni entendre

Ils craignent ceux qui savent...

 

Les hommes qui pleurent

Boivent plus que de raison

Jusqu'au jour où ils vomissent l'alcool

Qui les aidait à rêver

Alors ils n'ont plus rien que la mort

Pour en finir